Mon père n'était pas mon héros


Le 19 octobre, ça fait maintenant 3 mois que mon père est décédé. Je ne sais pas trop où j'en suis, je suis mélangée: j'ai de la peine, je m'ennuie de lui, je suis aussi moins stressée et préoccupée, etc.
Voici un texte écrit pour mon père et lu lors de la cérémonie au salon funéraire. J'avais envie de vous le partager ici. De lui rendre un dernier hommage. De souligner cet anniversaire...

Mon père n'a jamais été mon héros, mais il a toujours été là, présent et aimant pour nous, ses enfants.  Il n'était ni le plus fort ni le plus drôle, il ne faisait pas la meilleure pizza, mais on pouvait toujours compter sur lui, particulièrement dans les moments de crises. 

Il n’était pas tellement présent, mais, quand j'étais petite, c'est derrière lui, doux et calme, que je me cachais quand il y avait des tensions dans la maison. Le samedi matin, c'est ensembles que nous pleurions en regardant Le petit castor et Candy.  

Adolescente, je voyais mon père un week-end sur deux et c'était la fête, on allait au cinéma, on mangeait du maïs soufflé et du fast-food (il ne savait pas vraiment cuisiner autre chose que du pâté chinois et des oeufs), on n'avait pas vraiment d'horaire ni d'obligation.


Plus grande, alors que j'étais à l'université, j'allais dîner  avec lui au centre-ville chaque semaine et je revenais souvent avec une passe de transport payée et un peu d'argent pour m'aider à payer mon matériel d'art et mes fournitures scolaires.  J'aimais nos rencontres, j'avais l'impression d'être importante pour lui et j'aimais raconter ma vie d'étudiante pleine de rêves assise devant ce beau monsieur en habit.


Mon père,  alors qu'il était en pleine forme
Crédit photo Julie Philippon


Jeune adulte, alors que je parcourais la terre d'un projet de stage à un autre de coopération, c'est lui qui s'occupait de ma paperasse, mes comptes étaient toujours à jour et il si j'avais besoin d'un conseil rationnel, c'est vers lui que je me tournais.  Il était un comptable des plus stéréotypés, des bas bruns à son inventaire de conserves de son armoire enlignées par ordre alphabétique, tellement stable et prévisible. Tellement rassurant.


Jeune maman, quand la ronde des hospitalisations, des thérapies et des r.v. avec de grands spécialistes a commencé, il est devenu mon chauffeur privé, m'accompagnant à l'hôpital et aux centres de réadaptation, poussant poussette et enfants alors que j'en avais pleine les bras. Il me prenait à la porte de ma maison et me déposait à celle de l’hôpital pour m’éviter bien des soucis, c'était sa façon à lui de me dire qu'il m"aimait.
Depuis presque une dizaine d’années, mon père a commencé à changer. De toutes petites choses, des remarques inappropriées, des commentaires parfois blessants, des choix discutables, des mots qui ne venaient plus.  Il a ainsi perdu beaucoup d’amis et de relations, alors que dans le fond, la maladie avait déjà commencé à le changer un peu sans que nous le sachions.

Il y a presque 3 ans, inquiets, mon frère et moi avons commencé à faire plus de pression pour qu’il soit vu par un médecin.  Après plusieurs tests, plusieurs rencontres avec 2 neurologues et autres spécialistes, nous avons appris en février 2012 que mon père avait la SLA, la sclérose latérale amyotrophique, une horrible maladie dégénérative avec un triste pronostic.
Adulte dans la fleur de l'âge, j’ai vu mon père mourir un peu plus chaque jour, allant de deuil en deuil. À chaque visite, il n'était déjà plus le même que la vielle.  En quelques mois, il a tout perdu : sa maison, sa voiture, son autonomie, sa parole, ses chats, ses balades en vélo, ses séances d’entraînement, ses rêves qu'il avait encore nombreux (gagner à la loto, avoir un berger allemand, se construire une maison dans le bois), ses passions, sa vie...

Mais, curieusement, cette dernière année de souffrance et de déchéance en a été une heureuse pour lui. Même de plus en plus faible, mon père était devenu quelqu’un d’apprécié par les autres résidents et les employés du CHSDL. Un peu comme un chouchou! D'ailleurs, il y a reçu d'excellents soins pour lesquels je vais préparer quelque chose juste pour eux, plus tard.
Toujours souriant et de bonne humeur, il aimait aider ses pairs en poussant leurs chaises et/ou en leur mettant leur tablier avant chaque  repas. À tous les vendredis, il ne manquait jamais le Bistro dansant et il faisait danser presque toutes les dames de la place, employées, résidentes et bénévoles. 
Il  ne se plaignait presque jamais même si on voyait qu’il souffrait, comme si cela ne faisait plus partie de son vocabulaire. Incapable de parler, la communication était de plus en plus difficile, mais ses beaux yeux brillaient toujours autant.
Le jeu était devenu notre seul moyen de communication, et  nous avons joué, tellement joué, jusqu’à notre avant-dernière rencontre à Serpents et Échelles, c’était notre petit moment  précieux juste à nous deux, faisant la même chose, en même temps, au même endroit. Parfois tricheur, il me surveillait et si je me trompais d'une case ou de pion, il était toujours là pour s'assurer de remettre les choses aux bonnes places. Exactement comme les quarante dernières années de....
Pendant tout ce temps, j’ai été seule au quotidien. Mon  frère vivant à plus de 12 heures de route et mon père n’ayant plus vraiment d’ami ni de famille. Mais, je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont aidée et accompagnée, de près ou de loin.  Je ne peux pas nommer tout le monde, mais mon conjoint qui a su garder le fort et m'accueillir si souvent en pleurs pendant la dernière année , ma mère et son conjoint m'ont aidée pour nettoyer, vendre et vider sa maison, faire les réarrangements et plein de choses plates, mes beaux-parents m’ont  supportée et permis d'aller voir mon père sachant que mes enfants étaient bien avec eux.  Mon frère, loin, mais présent en même temps grâce à la magie des nouvelles technologies et mes nombreux amis. 
Chacun à leur façon, ils m'ont donné force et le courage me permettant d'accompagner mon père dans ses derniers moments de vie, d'être présente et disponible pour lui.
Je veux aussi remercier deux personnes qui ont été très présentes dans la vie de mon père.  Depuis toujours, le plus loin que je me rappelle, sa cousine et son mari ont invité mon père chez eux, ils ont pris de ses nouvelles même si lui n’en donnait pas vraiment, ils sont allés le visiter plusieurs fois par mois pendant depuis son admission au CHSLD, il lui offrait toujours amour et disponibilité et je n'aurai jamais assez de mots pour exprimer toute ma gratitude.
Enfin, mon père n'était pas un héros inaccessible qui faisait tourner les têtes. Il était mon père, notre père, notre Papi. Aimant, présent, serviable, ricaneur, taquin et surtout toujours disponible pour ceux qu'il aimait. Solide comme un roc, rassurant, bon, sur qui on pouvait toujours compter. 
Je t'aime papa.
Je m'ennuie de toi.
Xxx

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