L'émotion comme moteur de création

Je ne sais pas si c'est l'âge?  Ou les deux derniers mois à combattre différents microbes (ils ont gagné, j'ai dû prendre des antibiotiques)?  Ou le fait d'apprendre que mon père a respiré, par erreur, de l'eau de javel (diluée) pendant 3 nuits dans son BiPAP ?  Ou encore que ma fille a eu une paralysie de Bell vendredi dernier? Toujours est-il que présentement, je trouve difficile de faire mes journées.

Particulièrement vers 7h25, juste avant d'accueillir mes élèves, après le marathon du matin, quand je croise des collègues, j'ai de la difficulté à dire que ça va bien et depuis 2 jours, mes yeux se mouillent...

Pourtant, j'ai été choyée le week-end dernier, mon Homme m'a offert un cadeau précieux, il a invité mes plus vieux amis (3 amis du secondaire et leur famille) pour un souper, à la maison, qu'il a préparé pour les 14 personnes présentes.  C'était bon, c'était simple, c'était agréable: c'était parfait!

Mais depuis, je me couche en même temps que les enfants, après de trop grosses journées.  Même plus le temps d'écrire, même plus l'énergie de lire.  Sauf ce soir...

Je suis revenue tôt avec les enfants, nous avons joué avec la monnaie pour préparer leurs enveloppes pour la Caisse scolaire (j'essaye d'introduire la notion de l'argent et de l'épargne aux enfants alors que pour moi, c'est encore complexe), j'ai fait une soupe avec Fiston, préparé le souper avec mon homme, mangé en famille entre une brassée de lavage et le remplissage du lave-vaisselle et après, nous étions prêts pour faire les leçons et les devoirs.

Je suis restée dans la cuisine avec mon fils alors que ma fille allait à l'étage avec son papa.   C'est là que ça s'est gâté.   J'ai eu la chance que mon fils en première année me fasse la lecture ("le roi a froid a ses dix doigts"), que nous pratiquions les tables du 1 et 2, de regarder les cartes du Canada dans l'agenda (juste pour le fun).  Regarder Les Simpsons aurait été trop cool (selon mes enfants), mais ça allait quand même assez bien pour moi.

Mais, en haut, ça semblait tellement plus difficile. J'entendais mon chum se fâcher de plus en plus, ma fille se plaindre et pleurer et moi, en bas, j'angoissais en me disant plein de "j'aurais dont dû" (ex. faire les leçons avant le souper).  Quelques minutes plus tard, les enfants étaient dans le bain, mais la tension était encore palpable dans la maison et quand nous sommes revenus dans le salon, au ton de mon chum, j'ai bien compris qu'il se passait quelque chose.

Impuissante, j'ai laissé les choses passer, nous sommes allés coucher les enfants, après des bisous et des chansons, nous nous sommes retrouvés tous les deux, mais un mur nous séparait.  Et ce mur, je le connais trop bien.  Il est dur et épais, sombre et froid.

C'est celui qu'un parent frappe quand il est devant la réalité de son enfant, devant une difficulté qu'il n'est pas capable de surmonter et là, je ne parle pas d'un niveau de natation échoué ou d'un C dans un bulletin.  Je parle de quelque chose de plus important, qu'on appelle parfois handicap, trouble neurologique ou d'apprentissage.  C'est la force de l'impact quand on réalise que son enfant est différent, qu'il ne part pas dans la vie avec les mêmes chances que les petits voisins, que son parcours sera difficile, si difficile...

C'est aussi notre impuissance à aider, à protéger et à outiller.  Et malheureusement, c'est un événement tragique qui arrive aux parents, à des moments différents, qui nous blesse et nous sépare.  Ce soir, je ne sais pas si c'est la sagesse ou le fait de m'y être déjà frappée quelques fois, j'ai reconnu LE monstre, je me suis retirée pour laisser le temps à mon conjoint de se relever, non sans lui redire que je l'aimais et que surtout, je comprenais.

En m'en allant, j'ai croisé mon ordi et un besoin plus fort que ma fatigue m'a poussée à écrire.   Comme si ma boule dans ma gorge diminuait à chaque frappe, comme si écrire devenait un besoin vital de survie. Une urgence.   À défaut de pouvoir consoler l'homme que j'aime, le père de mes enfants, je pleure pour lui, pour nous, pour eux, en écrivant.



******


Je ne sais plus comment écrire.  J'écrivais sur ma vie de maman.  Mais, comme elle est de plus en plus pleine de rebondissements, on dirait que je n'ose plus la raconter, que j'ai peur de me réveiller en plein mauvais film de série b.  Que je me dis que les gens vont se tanner.  Que c'est juste trop. (...) Mais une chose est devenue évidente depuis ce soir, c'est mon émotion qui me fait écrire, c'est mon émotion mon moteur de création...

Je ne sais plus, mais cette photo m'inspire et c'est en la gardant en tête
 que je  vais aller me coucher en espérant que demain, ça ira mieux.



Commentaires

  1. Oui, l'émotion est un puissant pouvoir de création. Écrire libère, écrire éclaire, écrire soulève des dalles de pierres. Bref, ton écriture est salvatrice, pour toi comme pour nous qui te lisons. Ton partage est touchant et vibrant, on en ressent des bribes par-delà l'écran, c'est frappant. Courage dans ce tourbillon d'émotions, tu es toute puissante! xxx

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    1. Toute puissante? Je ne sais pas, mais ton commentaire me fait "flotter", merci!
      Jx

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  2. Câlins ma belle! J'ai besoin que tu continues d'écrire, si tu en as envie bien sûr, te lire me réconforte. Je me sens moins seule, j'y trouve des idées, des pistes de solutions.
    xxx

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    1. Tu n'es pas seule... Nous ne sommes pas seules.
      Merci! Tu me fais du bien!

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  3. J'ai aussi les yeux dans l'eau en te lisant... J'aimerais tellement que ton quotidien soit plus léger, plus doux.

    Écrire, si c'est dont tu as envie, fais-le. Pour toi, pas pour les autres. Pour TE faire du bien. Pour TE libérer.

    Mais ne le fait surtout pas pour plaire, ou ne t'empêche pas de le faire par peur de déplaire.

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    1. Comme tu es sage, comme toujours!
      Merci. Je prends en note. Et je vais continuer d'écrire.
      Pour moi, juste pour moi!
      Jx

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  4. Écrire, c'est une fichue belle thérapie. Dans le concret, ça ne règle pas tout, ce n'est pas une baguette magique. Mais c'est comme si le fait de coucher les mots à l'écran (ou sur papier!) permettait de libérer ce trop-plein d'émotions.

    J'ai eu le "moton" en te lisant. En te lisant, j'ai l'impression de prendre un peu de ta peine, comme si ça pouvait t'alléger!

    Chose certaine, tu peux compter sur tes amies, virtuelles ou pas, pour te soutenir. N'aie jamais peur de venir à nous. Nous sommes là pour t'accueillir, telle que tu es. Pour célébrer les victoires et t'encourager dans les moments moins glorieux.

    J'aime ton image. C'est digne de la super-héroïne que tu es! So she did!

    Douces pensées vers toi et gros câlin tout réconfortant! xxx

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    1. "Motons" que les amies virtuelles sont précieuses...
      Côté héroïne, tu ne donnes pas ta place!
      Merci, merci, merci!
      Xox

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  5. Laisse aller Julie. Solène a raison, laisse tes émotions envahir le clavier si ça te fait du bien. Écrire, parler, crier, pleurer, dessiner...pour mieux rêver, rire et se relever. Courage Julie.

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    1. Merci Catherine, je prends note!
      Ça me fait tellement de bien...
      Solène et toi avez raison.
      Jx

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  6. Ce qui me frappe dans ce billet, c'est la solidarité avec le père de vos enfants. C'est rare que vous en parliez mais votre amour et votre soutien mutuel est palpable et très présent dans ce billet-ci. Au lieu de lui en vouloir parce qu'il s'est fâché contre votre fille, vous comprenez fort bien le mur qu'il vient de frappper et vous lui offrez votre compréhension et votre silence, car c'était effectivement le temps de se taire pour le laisser digérer, vous l'aviez très bien compris. Ce soutien mutuel est rare, à une époque où tant de couples choisissent la fuite et la séparation devant l'épreuve. Je le trouve très positif ce billet.

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    1. C'est vrai que je ne parle pas souvent de mon conjoint, il n'aime pas ça!
      Ce n'est pas toujours facile notre quotidien, notre couple en souffre.
      Mais, il devient aussi plus fort.
      Nous grandissons, ensemble.
      Merci pour votre commentaire, il me fait du bien!
      Vraiment. Jx

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  7. Écrire te fais du bien, et te lire nous améne à voir au-delà de la première impression. Depuis que je te lis je ne regarde plus les enfants et les parents de la même façon. Tu m'as fait grandir. Je te dis merci pour ça.

    Myriam F.

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  8. Oui, écrire, ça peut sauver... on me reproche parfois de trop m'étaler par écrit, mais je te comprends tellement! Tu as de la chance d'avoir un conjoint qui est là, présent.. chez moi aussi, on l'a frappé ce mur, souvent, tous les jours, sauf que le mur chez moi, il s'est élevé toujours plus haut entre lui et moi. On est plus capable de se relever après le face à face depuis qu'on est plus un couple que pendant qu'on en était encore un! J'aimerais pouvoir te serrer dans mes bras en te disant que ça va aller, sans te connaître, parce que moi, c'est ce que j'aimerais qu'on me fasse..

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    1. Je te fais une belle colle alors!
      Je t'en courage à écrire toi aussi, il faut qu'on se rappelle que nous ne forçons personne à nous lire,
      Nous n'avons pas ce pouvoir!
      Merci pour ton message, :-)

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  9. Très touchant. Et tellement vrai. Merci de partager, de nous faire comprendre qu'on n'est pas seul avec cette réalité... Et que nos conjoints vivent un peu la même chose à des moments ou à d'autres. MERCI...

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  10. Je me suis tellement reconnue, je te trouve forte de rester dans l'accueil et l'amour!
    Continue d'écrire, ça inspire et touche!
    Sonia
    www.lespasdanthonin.blogspot.com

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    1. On se reconnaît alors !?!
      Quand j'écris, ça me permet souvent d'avoir du recul, comme si je me forçais à trouver l'angle positif...
      Solidairement, jx

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  11. Je suis bien d'accord avec le commentaire d'une femme libre... Tant d'amour et de respect dans ce billet.

    Fais attention à toi, fais-toi de petites attentions... le temps de faire passer ces nuages plus gris.

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  12. LE MUR je l'ai frapper et mon mari aussi mais j'ai besoin de toi,j'ai besoin de vous parent d'enfants DYS et autre particularité j,ai besoin de pouvoir me confier a des femmes qui vive une vie qui ressemble a ma vie.Je te dis merci,merci de partager avec nous.

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    1. Ton commentaire me touche. Je vais continuer. Pour moi et les autres parents d'enfants différents.
      Courage, jx

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  13. L'important belle Julie, à mon avis, c'est d'écrire lorsque tu en ressens le besoin, que ce soit ta vie de maman, tes émotions, les évènements ou autre.

    Tes mots et tes textes se lisent si bien et nous font du bien à nous, les autres mamans :-)

    Gros câlins virtuelles jusqu'à notre prochain réel! xxx

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  14. Je pense que son bog, c'est pour soi d'abord et pour y écrire ce qu'on a envie. Je pense aussi qu'écrire c'est une belle manière d'extérioriser ce qui ne va pas (ou ce qui va ) !

    Gros calins et continue de t'extérioriser :)

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    1. Je pense que tu es...Bien sage!
      Merci pour ton commentaire.
      Jx

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  15. Vraiment touchant et authentique...

    C'est à la fois troublant et inspirant de te lire parce que tu ne peux être plus vraie que ça. Continues d'écrire, et ce que tu voudras bien ma chère. Nous serons là pour te lire.
    En te souhaitant, en vous souhaitant à l'amoureux et toi, du temps doux et calme.

    Écrire une thérapie, tout à fait, se relire aussi...

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  16. N'arrête pas d'écrire, ce n'est pas «trop», c'est ta vie, qu'on partage et qu'on prend un peu sur nos épaules en te lisant.

    Continue d'espérer belle Julie. xx

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    1. Ok, je vais continuer!!!
      Merci de tout mon cœur,
      Jx

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  17. Quelle tristesse présentement pour toi et ta famille. Je compatis. Soit dit en passant, là, je vais devoir assimiler d'autres mots médicaux. Eh oui ! Après diplégie spastique, c'est maintenant dyspraxie verbale, phonèmes et tout le baratin qui va avec ça.

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    1. Chère Suzie, je suis là! Toujours là. Solidairement, jx

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  18. Le fait d'avoir partagé t'a sûrement fait le plus grand des biens. Venir te lire nous ramène un peu aussi à toutes ces difficultés que l'on doit surmonter au quotidien. Ça prend un bon souffle, un bagage solide et des gens là-haut qui te tendent la main pour atteindre les sommets, petits ou gros.

    Merci.

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Merci. :-)

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